Quand la science étudie les gauchers, elle a du mal à les comprendre
Publié le 13 Août 2017
INSOLITE - C'est la Journée internationale des gauchers, ce dimanche 13 août. Une occasion pour parler des gauchers du monde entier qui vivent dans un environnement où (presque) tout est pensé et conçu pour les droitiers.
Pourquoi est-on droitier ou gaucher? On n'en sait pas grand chose. Génétique? Environnement? Certainement un peu des deux. Les plus récentes recherches semblent en tout cas indiquer qu'un réseau de gènes serait à l'origine de notre préférence manuelle.
Mais l'origine de cette préférence est bien loin d'être l'unique sujet qui intéresse les scientifiques (et les moins scientifiques). A l'occasion de cette journée internationale, petit tour d'horizon des affirmations (vraies ou fausses) qui ont été faites sur les gauchers (qui représentent environ 13% de la population) en partant des pires pour finir par les meilleures.
1. Ils vivent moins longtemps que les droitiers
C'est l'étude qu'on a tous relayé à un moment ou un autre: les gauchers vivent moins longtemps. Fin des années 80, début des années 90, deux études sont publiées dans deux grandes revues scientifiques: Nature et le New England Journal of Medicine. Ce qu'avancent les chercheurs? Qu'en moyenne, les droitiers vivent neuf ans de plus que les gauchers. "Nous ne voulons pas dire que l'utilisation de la main gauche cause un risque de mort prématurée", prévenaient à l'époque les deux auteurs de l'étude, Diane Halpern et Stanley Coren. Mais malgré tout, selon eux, les gauchers sont 5 fois plus susceptibles de mourir dans un accident, par exemple. L'une des raisons invoquées? Le monde est fait pour les droitiers, aucun des outils n'étant conçu pour les gauchers. Autre raison, les gauchers seraient plus susceptibles de développer des problèmes neurologiques ou immunitaires (voir ci-dessous).
Que les gauchers se rassurent: depuis, il a été montré que cette étude était faussée. Interrogé à propos de celle-ci par la BBC en 2013, Chris McManus, professeur de psychologie à la University College London, explique que "leur erreur a été de ne s'intéresser qu'aux morts". Dans leur étude, Halpern et Coren ont en effet analysé des bases de données de personnes décédées. En fait, les statistiques sont faussées car le nombre de gauchers aurait explosé à la fin du 20e siècle (notamment parce qu'ils étaient enfin mieux acceptés). McManus explique cette erreur par une analogie avec les fans de Harry Potter: "Demandez aux proches d'un groupe de personnes récemment décédées si elles avaient lu Harry Potter et inévitablement vous trouverez que les fans de Harry Potter sont morts plus jeunes".
Plus sérieusement, une autre étude, publiée en 1994, montrait très clairement que le fait d'être gaucher n'est pas associé à une mortalité précoce.
2. Ils gagnent moins d'argent que les droitiers
Ce sont des chercheurs de la prestigieuse université de Harvard qui le disent... Leur étude, publiée en décembre 2014 dans le Journal of Economic Perspectives, montre que les gauchers gagneraient environ 10 à 12% moins que les droitiers (à origine sociale équivalente). Un écart qui correspondrait à une perte de $2500 pour les hommes gauchers et $3400 pour les femmes. Comment l'expliquer? L'économiste et auteur de l'étude, Joshua Goodman, montre que les gauchers seraient moins performants aux tests d'intelligence (ce qui est infirmé ici). 20 à 28% d'entre eux seraient même intellectuellement déficients, deux fois plus que le reste de la population. Ces résultats ne concerneraient toutefois que les gauchers dont la mère est droitière: enfants, l'apprentissage par imitation est plus compliqué.
3. Ils sont plus susceptibles de développer des troubles mentaux
En 2011, le Wall Street Journal se penchait sur la probabilité accrue pour les gauchers de présenter des troubles cérébraux. Il rappelle que 20% des personnes atteintes de schizophrénie sont gauchers, alors qu'ils ne représentent que 10% de la population. Un lien entre les troubles de l'humeur, la dyslexie, les déficits d'attention, a aussi été mis en avant dans de précédentes études.
Les chercheurs se demandent si le concept d'asymétrie cérébrale, soit l'inégale implication des deux hémisphères du cerveau, n'est pas à l'origine du problème. Chez les droitiers, c'est l'hémisphère gauche qui est dominant (hémisphère qui assure notamment le langage). Ce qui est également le cas de 70% des gauchers. Mais selon le psychiatre Metten Somers, les 30% autres présenteraient un hémisphère droit dominant ou une symétrie entre les deux hémisphères. C'est le fait d'avoir un cerveau symétrique qui, selon lui, augmenterait le risque de présenter des troubles mentaux.
4. Ils réfléchissent plus vite
Les gauchers pourraient accéder aux hémisphères de leur cerveau plus rapidement et plus efficacement.
D'après une étude australienne publiée en 2006 dans la revue Neuropsychology, les connexions entre les hémisphères du cerveau sont plus rapides chez les gauchers, ce qui se traduit par un traitement plus rapide de l'information. Les auteurs de l'étude en question ont confié aux participants une tâche qui leur permettait de mesurer le temps de transfert entre les hémisphères, et une autre qui nécessitait de se servir des deux hémisphères en même temps.
Ces travaux ont démontré que les gauchers traitaient l'information plus rapidement d'un hémisphère à l'autre, un atout cognitif qui pouvait les avantager dans des activités comme les jeux vidéo ou le sport.
5. Ils sont plus créatifs
De nombreux experts et diverses études suggèrent l'existence d'un lien entre le fait d'être gaucher et la créativité. Est-ce vraiment le cas? Certaines études ont en tout cas démontré que les gauchers étaient plus doués pour la pensée divergente (la capacité à trouver plusieurs solutions pour un même problème), une caractéristique cognitive de la créativité. Cependant, il convient de noter que ces études établissent une corrélation, et non une causalité. Ces conclusions ne sont donc pas véritablement probantes.
Une autre possibilité, avancée par le psychologue Chris McManus, de l'University College de Londres, dans son livre Right-Hand, Left-Hand, est que l'hémisphère droit du cerveau des gauchers est plus développé, ce qui influerait sur la créativité.
Enfin une théorie tout à fait fascinante avance qu'en grandissant dans la minorité des gauchers, ce qui les distingue de la plupart de leurs camarades, certains enfants finissent par acquérir une construction mentale privilégiant l'individualité. Cet état d'esprit peut les prédisposer à développer des traits de caractère comme l'indépendance et l'anticonformisme, que les psychologues associent à la créativité et l'innovation.
6. Ils sont avantagés en sport
Dans les sports de combats, le tennis et en gros tous les sports où il s'agit d'affronter un autre joueur, ils peuvent être un vrai cauchemar. Ceux qui ont un jour joué contre Rafael Nadal peuvent témoigner. Plusieurs études, sur l'escrime, sur la boxe, ont montré que les gauchers ont un avantage par rapport à leur adversaire car, pour faire simple, il est habitué à s'entraîner ou à jouer contre des droitiers. Les mouvements des gauchers peuvent donc facilement les surprendre.
7. Ils ont une meilleure vie sexuelle
86% des gauchers seraient "extrêmement satisfaits" de leur vie sexuelle, selon un sondage réalisé en 2015 par LELO, entreprise de "produits intimes". Par comparaison, seuls 15% des droitiers atteignent un tel niveau de satisfaction. Malheureusement, on ne sait pas expliquer ce phénomène. Même si sur plusieurs sites, on s'amuse à dire que dans un monde fait pour les droitiers, les gauchers doivent faire preuve d'ingéniosité... qui se retrouverait au lit. Et la boucle est bouclée.
Dernière chose (car on ne pouvait pas écrire un article sur les gauchers sans en parler): les kangourous sont gauchers. La plupart des kangourous sont gauchers, 95% d'entre eux, selon des chercheurs de l'université d'Etat de Saint-Pétersbourg (Russie). Tous les animaux utilisent leur patte gauche pour leur toilette mais les kangourous, eux, l'utilisent exclusivement pour TOUTES leurs tâches. Voilà qui vous fait donc une belle jambe.