Ce que j'ai appris de mes grands-parents me fait réaliser que l'on manque d'indulgence envers nos aînés
Publié le 1 Février 2018
- Julie D. Auteure du blog Petite Fleur Bleue
J’entends trop souvent que les vieux sont des cons. Qu’il n’y a pas de temps à perdre avec eux. Qu’ils sont un poids pour la société, qu’ils coûtent trop cher à la sécu et blababla…
Aujourd'hui, j'ose poster un article sur un sujet de société: notre rapport aux personnes âgées, la responsabilité que nous avons de veiller sur elles et que nous décidons d'oublier.
J'ai la chance d'avoir trois de mes grands-parents encore vivants. Mon grand-père maternel n'a pas eu le temps d'être vieux, le crabe lui a rendu visite et est reparti avec sa vie. Quelle famille n'a pas connu ça aujourd'hui?
Je ne viens pas vous parler du cancer qui l'a terrassé. Je viens vous parler de celles et ceux qui restent, ces personnes qu'on classe dans la catégorie "65 et +" quand il s'agit d'acheter un ticket dans les transports en commun ou une place de cinéma, la catégorie sociale du 3e âge. Pourtant les plus nombreux, ce sont les plus seuls.
Les médias se nourrissent à diverses périodes de l'année de cette situation: lors des canicules, veillez à prendre des nouvelles de vos aînés; à l'approche de l'hiver, assurez-vous que vos vieux parents aient bien fait leur vaccin contre la grippe... Ce sont eux également qui sont bien plus souvent victimes d'abus de faiblesse et de confiance: le démarchage téléphonique, la vente en porte à porte font d'eux des clients faciles, on profite de leur vieil esprit pour leur vendre un peu tout et n'importe quoi. Puis ils acceptent, ils achètent car n'oublions pas que notre génération de petits vieux et de petites vieilles sont les jeunes des premières années de forte consommation, si ce n'est de sur-consommation...
Ce qu'on oublie...
Nos aînés ont été jeunes. Et nous avons tendance à l'oublier.
Quand on les regarde traverser lentement la rue sur le passage piéton alors que les automobilistes s'impatientent parce que le trafic est ralenti, je prie pour qu'il/elle ne tombe pas, ne se fracture rien... Les mêmes réactions d'impatience se liront sur les visages de ceux qui attendent derrière une femme âgée à la caisse d'un supermarché, en pharmacie, chez le médecin traitant, dans les étals du marché...
Quand on oublie de leur rendre visite parce que le temps passe trop vite et qu'on n'a pas le temps parce qu'on est trop occupé à mener notre propre vie, on ne pense pas qu'ils pourraient certainement nous parler eux aussi de la vie, nous apporter une oreille bienveillante et un soutien empreint d'amour.
Quand on observe dans un coin de la cuisine, un pilulier avec pour chaque jour de la semaine des petites pilules de plusieurs couleurs, on pense au diabète, au cholestérol, à l'hypertension, à l'arthrose et on se dit que ce n'est pas bien beau de vieillir. Mais sous les rides, sous les râles, sous les yeux parfois vides, se cachent les souvenirs de l'enfance que seuls les Papys et Mamies pouvaient nous offrir.
Derrière leurs gestes lents et cette fâcheuse tendance à nous faire répéter 36 fois ce que nous disons, se cachent des années de vie, des combats parfois pour assurer un confort et une décence à la famille, des valeurs transmises à chaque petite fille ou petit garçon qui quittera le nid pour fonder sa propre famille, des histoires à partager sur le passé quand les petits-enfants posent des questions. Et surtout beaucoup d'amour donné sans rien demander en retour.
Mes aînés
Aujourd'hui, ma grand-mère qui vient de fêter ses 82 ans vit seule. Dans une petite maison trop souvent emplie de sa solitude. Certes, elle n'a jamais supporté être seule. Mais elle n'a pas le choix. Elle souffre de ces bobos du vieil âge qui amplifie le fait qu'elle a toujours aimé se plaindre pour qu'on s'occupe d'elle. Non, ma grand-mère n'est pas parfaite. Elle râle, maugréé, fait les gros yeux, crie même parfois sans vraiment le vouloir. Elle reste ma grand-mère, au dos courbé par le poids des années, aux genoux et aux pieds gonflés à cause de l'arthrose, aux gestes frêles. Elle est seule et vulnérable.
Mes grands parents paternels habitent quelques maisons à côté de celles de mes parents. Ce n'est pas pour ça que nous les voyons beaucoup. Ils sont mariés depuis plus de 50 ans, et on se demande parfois comment ils ont fait pour se supporter aussi longtemps. Ou alors ils ne se supportent pas vraiment. Il la taquine autant qu'elle l'attaque. Ils vivent d'une routine bien établie, dépensent peu de la maigre retraite qu'ils touchent sauf quand ils décident de nous gâter. Mamie aime toujours faire la cuisine, Papy passe du temps dans le garage à bricoler on ne sait quoi.
J'ai passé près de 7 mois sans les voir en 2017. Quand je les ai revus, quand je les ai serrés dans mes bras, quand ils ont fait claquer des gros bisous sur mes joues, j'ai ressenti une chose: à quel point ils étaient vulnérables. Et j'ai pensé ceci: plus jamais je ne les abandonnerai.
Si le gouvernement, si notre système médical, si notre climat d'aide social permettent aujourd'hui le fonctionnement de maisons de retraite, de béguinages, de foyers où aide et assistance sont apportées, qu'en est-il de ce que seule la famille peut donner?
Qui a veillé sur nous quand nos parents étaient trop fatigués et avaient besoin de dormir? Chez qui avons-nous passé le plus de nos mercredi après-midi et nos dimanche? Qui a glissé un bonbon dans notre main quand on était méchant avec nous à l'école et qu'on pleurait de gros sanglots? Qui si ce ne sont nos papys et nos mamies qui nous ont couverts d'un amour inconditionnel?
Aujourd'hui plus qu'un autre jour, je ressens comme nos aînés sont seuls et vulnérables. Et ça me brise le coeur. Je me dis que la famille échoue là où elle devrait remplir son rôle premier: veiller les uns sur les autres. Aujourd'hui, je fais le choix de mettre mes ambitions personnelles en deuxième priorité pour que ma famille devienne le centre de ma vie. Etre disponible s'il faut aller faire quelques courses, aider ma grand-mère à se préparer pour la nuit, assister mes grands parents dans l'utilisation des nouvelles technologies. Je choisis d'accourir pour leur apporter une infusion s'ils ont un rhume et veiller à ce qu'ils aillent mieux quand j'apprends qu'ils sont malades. Je choisis de manger à leur table, de leur rendre visite, de leur parler de ma vie, de partager la leur.
Un jour, ce sera notre tour
Il y a bien sûr ceux que la vie n'a pas épargné, ces enfants qui ont grandi sans leurs parents et/ou qui n'ont pas connu leurs grands parents, il y a des familles séparées par des conflits qui durent sur des générations, il y a les familles éclatées avec ses membres présents à chaque coin de la Terre, rendant difficile la présence physique...
Et puis il y a celles et ceux qui habitent tout près les uns des autres et qui refusent de s'occuper de leur mère ou de leur grand-mère, de leur père ou de leur grand-père. Il y a ceux qui n'ont pas le temps. Et je ne comprends pas. Je n'y trouve pas d'excuse.
C'est peut-être l'article le plus intolérant que j'ai pu écrire mais je suis profondément triste par cette situation. J'entends trop souvent que les vieux sont des cons. Qu'il n'y a pas de temps à perdre avec eux. Qu'ils sont un poids pour la société, qu'ils coûtent trop cher à la sécu et blababla... Et même s'il existe des personnes âgées assez méchantes, difficiles à gérer, et même si certains profitent de notre système médical assisté, il n'en reste pas moins ce constat que notre rôle est de prendre soin d'eux. Si nous ne faisons pas cet effort que l'amour filial nous demande, qui prendra soin de nous quand nous serons vieux à notre tour?
Ce billet est également publié sur le blog Petite Fleur Bleue.