Je suis végétarien et voici ce que ma rencontre avec un éleveur mongol m'a fait réaliser sur l'écologie
Publié le 23 Décembre 2021
A combien de scandales devront-nous assister pour retrouver le lien sacré avec la terre, avec les animaux? Comment transformer notre rapport à l'écologie?
La semaine dernière, j'ai rencontré pour un film en Mongolie plusieurs familles d'éleveurs. Elles nous ont partagé leur quotidien, je leur ai raconté le nôtre. Pour eux, les centaines de chevaux sauvages, les troupeaux paissant dans des steppes sans limites, un quotidien dédié à un mode de vie nomade. Leur sourire est brillant. Ils sont en bonne santé et n'ont pas besoin de lunettes, tant ils sont habitués à scruter l'horizon à tout âge."Pourquoi ne mangez-vous pas de viande?" me demande l'homme curieux...
Les Mongols sont carnivores. Dans cette culture nomade où on démonte la yourte deux à trois fois par an, il est bien difficile de faire pousser de la salade! On vit avec les troupeaux. Il y a un contrat avec les animaux. Les moutons, les chèvres, sont en liberté. Ils broutent de l'herbe fraîche et de nombreuses plantes médicinales. Les animaux sont heureux toute leur vie et les éleveurs en prennent soin. L'homme me montre le col de son Del, un grand manteau qu'il porte jour et nuit. "Lorsque nous aidons les mères à mettre bas l'hiver, il faut couvrir les petits. Nous les cachons dans la fourrure pour les protéger. L'homme sourit. "Jamais nous ne mangeons les veaux... Imaginez-vous manger des enfants?" L'éleveur m'explique qu'il connaît toutes les plantes de la steppe et qu'il part souvent au galop avec son fils pour emmener les troupeaux brouter dans une vallée où l'herbe est plus riche.
Pourquoi êtes-vous végétarien? Me demande l'homme. Je raconte que je suis devenu végétarien par conviction le jour où nos vaches sont devenues carnivores. Vingt ans que je ne peux plus avaler d'animaux morts. Je raconte à cet homme si doux les farines animales composées de carcasses de volailles et de poissons intoxiqués, les poussins broyés vivants, les porcs castrés. Je raconte la ferme des mille vaches. Ce que j'ai vu en visitant des abattoirs et qui m'a fait vomir. L'homme n'en revient pas. "Pourquoi ne laissez-vous pas les animaux en liberté dans vos prairies... Ils seraient plus heureux". Je lui partage notre notion de propriété. Comment nous sommes attribués la propriété autant des terres que du peuple animal. En France, chaque bête est pucée, tracée. Chaque parcelle de terre appartient à quelqu'un. Nous n'avons plus chez nous de grandes étendues où les animaux peuvent courir librement. "Mais la terre est à tout le monde! " Me répond l'homme sidéré "Comme le ciel! Pourquoi agissez-vous ainsi?"
C'est un choc de civilisation. Nous cherchons nos mots pour échanger. Pourtant nous nous comprenons très bien. Nous devinons entre les mots que nous sommes frères d'une même planète, même si nous n'y vivons pas au même endroit. De ses trois enfants, seul l'un est déterminé à reprendre son mode de vie nomade. Les autres ont été attirés par Oulan Bator, la Capitale, pour y suivre des études.
Je lui raconte qu'enfant, chez ma grand-mère en Bretagne, j'allais chercher le lait dans des pots en fer. Que nos campagnes se sont tant transformées au cours de ces 40 dernières années. Que nous nous sommes coupés du vivant, de l'esprit de la terre et du sacré. Que c'est par recherche du progrès et du confort que nous sommes devenus esclaves de la modernité et bien souvent avides. Je lui demande ce qui lui manque, à lui, ou à ses enfants. "Nous ne manquons de rien... Nos enfants n'ont pas de jouets et pourtant ne s'ennuient pas! Ils participent à la vie nomade. Nous vivons en lien avec la nature. Tous les jours, nous faisons des offrandes à la rivière, à la terre. C'est pourquoi notre mode de vie n'a pas changé depuis des siècles..."
Je rentre à Paris, j'apprends la démission de Nicolas Hulot, il jette l'éponge ne se sentant pas à la hauteur de sa mission. Comment lutter contre les lobys? J'apprends le même jour que le spectre d'un nouveau scandale sanitaire risque de frapper la Bretagne. Le géant de l'agroalimentaire Triscalia est soupçonné d'avoir vendu à un éleveur breton des aliments contenant des antibiotiques non autorisés pour les bovins. Encore une fois, l'avidité et le pouvoir... Chaque année, des millions de volailles sont abattues par mesure de précaution. La précaution ne consisterait-elle pas à écouter la nature pour voir de quoi elle a réellement besoin et à adopter des modes de vie où l'homme ne soit pas le plus grand prédateur.
En France, plus d'un milliards d'animaux sont tués chaque année.
- 20% des porcs meurent de stress ou de mauvais traitement avant d'arriver à l'abattoir
- 80% des poulets sont élevés sans jamais voir la lumière du jour
- 99% des lapins passeront leur vie en cage.
Nous multiplions les maladies en consommant des animaux que nous avons nous-même empoisonnés. Comment en sommes-nous arrivés là?
Nous sommes ce que nous consommons et le fait de consommer autant d'animaux souffrants et emprisonnés ne nous libèrera pas.
L'écologie n'est pas une option politique. On ne peut pas être pour ou contre! L'écologie, est l'apprentissage de la vie. Nous sommes conscients ou inconscients de l'urgence écologique parce que nous sommes sensibles ou insensibles à notre environnement. Et cette sensibilité se développe et s'entretient par la méditation, l'ouverture du coeur, les balades en forêt, l'observation et la conscience. L'ouverture à l'environnement.
Ces 17 dernières années, plus du tiers des oiseaux ont disparu des campagnes françaises. Difficile pour eux de se nourrir puisque 80% des insectes volants ont disparu dans ces trente dernières années. Nous connaissons les causes, les pesticides, l'agrochimie. Les néonicotinoïdes. Les insecticides neurotoxiques très persistants n'augmentent même pas les rendements agricoles, au contraire. Ils rendent la terre de plus en plus stérile.
Pour autant, nos politiques pinaillent, reculent l'échéance, se perdent en compromis. Les intérêts financiers des lobbys et les jeux politiques à court terme sont tels que je crois fermement que le changement viendra de la base, de notre mode de consommation, de production, de communication. Einstein disait qu'on ne change pas une société en se battant contre elle, mais en en créant un nouveau modèle qui rende le précédent obsolète.
Alors, ce matin, loin d'être pessimiste, je rends hommage à toutes celles et ceux qui font des efforts pour s'alimenter différemment, plus en conscience et en respect, qui privilégient les petits producteurs et les récoltants en parlant avec eux de la façon dont ils cultivent ou élèvent.
Je rends hommage aux agriculteurs, éleveurs, qui conscients de cette réalité cherchent à leur niveau des solutions alternatives.
Je rends hommage à tous ceux qui développent le bio, les circuits courts, les AMAP, la permaculture, la biodynamie.
Je rends hommage à tous ces hommes et ces femmes qui retissent du lien pour créer des potagers dans les campagnes comme dans les villes
à celles et ceux qui se battent pour la liberté des semences potagères, des espèces végétales menacées.
A celles et ceux qui se documentent, étudient, se renseignent et transmettent d'autres voies respectueuses de l'environnement.
Je rends hommage à celles et ceux qui incarnent cette citation de Gandhi "Sois le changement que tu veux voir en ce monde"...
Je sens que le temps est tellement venu...