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Articles avec #reflexion tag

Publié le 5 Juillet 2022

 •  Le 01 février 2021

 

 

Puisque la moindre émotion résonne en eux comme les cloches de Notre-Dame,

les hypersensibles se heurtent davantage aux aléas de l’amour.

Puisque la moindre émotion résonne en eux comme les cloches de Notre-Dame,

les hypersensibles se heurtent davantage aux aléas de l’amour. Comment accueillir

ce trop-plein de sentiments sans faire fuir l’être aimé ? Éléments de réponses avec

le psychiatre Stéphane Clerget.

Passer d’un incroyable fou rire à une profonde tristesse en l’espace d’une journée. Tel est le tourbillon émotionnel qui habite au quotidien les hypersensibles. En amitié comme en amour, ce trait de caractère particulier pousse à tout prendre à cœur. Un sourire, une soirée annulée à la dernière minute, un haussement de sourcil. Et ces montagnes russes sont d’autant plus difficiles à gérer lorsqu’on recherche l’élu ou que l’on partage sa vie avec. Comment aimer sereinement quand tous nos sentiments sont exacerbés ? Dans son livre Hypersensible, hyperamoureux (Ed. La Musardine, sorti le 14 janvier), le psychiatre Stéphane Clerget redonne de l’espoir à tous les ultra-émotifs.

 

 

Pourquoi avoir choisi de consacrer un livre aux relations amoureuses des hypersensibles ?

 

Stéphane Clerget.- Je reçois beaucoup de patients qui m’apparaissent comme étant hypersensibles. Ils ressentent des émois avec une plus grande intensité que la moyenne. Pour certains, cela s’associe souvent à une hypersensorialité des odeurs, des goûts ou de la musique. Ils peuvent se laisser emporter par une mélodie ou vraiment être irrités par un bruit. À cela s’ajoute parfois une hypersensibilité intellectuelle, autrement dit la capacité à être envahi par les pensées, à ruminer énormément. Et toutes ces spécificités ont un impact sur leur vie, notamment dans leurs relations affectives.

Les hypersensibles perçoivent-ils forcément l'amour avec un grand A ?


Leurs émotions sont exacerbées puissance 10. Alors quand il y a désir pour l’autre, l’attraction physique et sexuelle est vécue avec cette intensité très forte. Mais cela ne se traduit pas obligatoirement par un hyper romantisme. Tout dépend de la personnalité de l’hypersensible à l’origine.

 

Vous dites que ce sont des personnes très attachées à l’observation des autres, aux stimuli sensoriels. En sont-elles plus exigeantes dans leur recherche de l’être aimé ?


C’est ce qu’elles prétendent mais la réalité est tout autre. Grâce à leur empathie, elles évaluent rapidement l’autre et perçoivent davantage les défauts. Si l’autre n’est pas conforme à leurs attentes, elles vont vite reculer. Ce n’est pas de l’exigence mais une réticence, une peur de souffrir. Certaines vivent les premiers accrocs du début de relation avec une telle intensité, une telle douleur, qu’elles lâchent prise tôt et en viennent à se méfier de l’amour, voire parfois à y renoncer complétement.

 

L’amour peut s’avérer compliqué pour tout le monde car deux psychologies différentes se confrontent. Comment expliquer que l’hypersensibilité puisse en rajouter une couche ?


En couple, la problématique principale est de savoir si on est amoureux ou non, de faire la part des choses entre tous les ressentis pluriels et intenses que l’on éprouve pour l’autre. Les hypersensibles nagent encore plus dans ce flou. Ils ne possèdent pas non plus de carapace et sont ainsi plus vulnérables, dépendants du regard de l’autre.

Lors d’une rencontre, faut-il prévenir son nouveau partenaire que l’on est hypersensible ?


Dans un premier temps, il vaut mieux aborder le sujet de façon générale en décrivant le portrait d’un hypersensible. En l’entendant, le partenaire va l’associer à une personne de son entourage. Reste ensuite à savoir si cette dernière lui a laissé un ressenti positif ou négatif. Si la relation devient plus sérieuse par la suite, on pourra dire au partenaire que l’on possède ce trait de caractère, l’assurer que l’on reste une personne tout à fait normale mais avec simplement une réceptivité aux émotions plus forte.

Rédigé par hl_66

Publié dans #Réflexion

Publié le 24 Mai 2022

 

 

Macron remet à la skieuse Tess Ledeux la médaille de l'ordre national du Mérite AFP

 

 

Professeure agrégée de philosophie et doctorante au Centre des études supérieures de la Renaissance, Laura Moaté nous explique pourquoi il est faux de penser que quand on veut, on peut, en analysant la racine théologique du concept de « mérite ».

« Il faut que nous naissions coupables, ou Dieu serait injuste », assène Pascal dans les Pensées, portant le premier coup à une théorie du Salut bâtie sur un concept également fondateur de notre République, le mérite, celui qui sauve l’âme par ses actes et rachète en faisant.

 

Si Pascal s’insurge, proteste et prouve, c’est qu’il lui semble comme à beaucoup de nos contemporains que ce concept poreux quoique sain ne permet en somme qu’une forme nécessaire de sécurité sociale, sans atteindre la justice, « car tous diront qu’ils méritent ». Mais peut-on raisonnablement s’opposer à la thèse selon laquelle chacun serait récompensé à la mesure de ses forces et de ses efforts pour les mettre en œuvre ? Peut-on véritablement douter de la possibilité du mérite ? Si Pascal en doute, ce n’est pas pour accabler l’homme, mais au contraire pour l’élever. Paradoxalement, pour permettre la justice véritable, il faut que nous naissions coupables, tous. L’on reconnaît la doctrine de la Chute, péché héréditaire et consubstantiel à la nature humaine, qui marque à chaque premier cri le nouveau-né de son sceau.

Dès lors, je porte une culpabilité qui n’est pas d’abord mienne, ma faute n’est pas la première à racheter, et mes efforts pour l’assumer seraient vains. Il n’y a pas de mérite absolu parce qu’il n’y a pas en l’homme la force nécessaire pour écraser le mal sous le bien et le faire disparaître, parce que demeurera toujours une quantité inamissible de néant qu’il ne faut pas tâcher d’annihiler.Le mérite n’est pas, pour Pascal, le corollaire de l’œuvre, mais celui du pardon, de la grâce. Tâchons de comprendre le sens de cette affirmation en revenant à son histoire, pour parvenir à la nôtre.

Mérite et intentions

Le mérite est une notion théologique avant d’être politique, bâtie à partir d’une querelle fameuse opposant Augustin à son adversaire Pélage. L’enjeu est de déterminer ce qu’il en coûte de considérer que l’homme peut accéder de lui-même au Salut, par ses œuvres, ce qu’affirme globalement Pélage. Augustin montre que, dès lors, il faudra connaître l’intention qui a présidé à l’œuvre, car celle-ci ne suffit pas. Par exemple, je peux tout à fait être affable au dîner tout en souhaitant secrètement gifler ma belle-mère, tout comme je peux être ravi d’être prisonnier de guerre, plus en sécurité qu’au front. Dans les deux cas, personne ne me reprochera mon acte. Néanmoins, ma morale n’est pas sauve. La faute ne peut alors résider que dans le for intérieur, là où siège traditionnellement l’intériorisation de l’autorité, et là où siège également le mérite. Mais, au sein de ce for intérieur, comment différencier l’arbitre du joueur ? L’autre, garant de mon intégrité sociale et de ma labilité face à l’évolution des mœurs, peut-il accéder à cette part cachée de mon être, dissimulable aussi longtemps que je saurai me leurrer ? Mais encore, puis-je y accéder moi-même ?

« Vouloir le bien sans la certitude de parvenir à l’accomplir, et espérer quand même, voilà le véritable mérite. »
 

Est-il véritablement possible de se juger soi-même comme l'on jugerait la fausseté d'une monnaie, d'un jugement net, objectif et définitif ? Sommes-nous suffisamment transparents à nous-même ? L’opacité semble aussi irréductible que le mal lui-même, et les moralistes auront bien fait de nous rappeler que nous ne savons guère si notre générosité nous permet de satisfaire un amour noble de l’humanité ou bien la vanité de notre orgueil quand nous est offerte la possibilité de donner à ceux qui ont moins que nous. Vouloir le bien sans la certitude de parvenir à l’accomplir, et espérer quand même, voilà le véritable mérite, que l’on ne reconnaît ni dans la réussite de l’action, ni dans les hommages ni dans les honneurs, que l’on ne reconnaît même pas mais que l’on attend, patiemment, comme le repos succédant au voyage. C’est du moins ainsi que le pensait Augustin.

Bâtir une anthropologie pessimiste, ce n’était donc pas chercher à condamner l’homme, c’était au contraire chercher à résorber le gouffre de son inquiétude. Si ni moi ni l’autre ne sommes capables de connaître le bien que nous faisons, qui pourra véritablement justifier notre suprématie ? Et si nous ne pouvons reconnaître, en nous comme en l’autre, que la certitude de la finitude et du mal, qui pourra ici-bas nous blâmer ? Pascal distinguerait alors le mérite des mérites, le premier n’étant soumis qu’au jugement divin, les seconds à l’arbitraire indispensable des conventions humaines. C’est l’institution qui juge l’acte, c’est-à-dire une légalité provisoirement incarnée face à un corps provisoirement privé d’âme.

Des intentions, et donc du mérite véritable, nul homme en tant qu’homme ne peut se faire juge. Autrement, c’est le mérite qui rendra coupable, qui accablera et qui écrasera, c’est lui qui se trouvera derrière chaque refus, chaque échec et chaque reniement, c’est lui qui nous rappellera à notre misère quand l’autre, soi-même et parfois même je ne sais quoi, s’arrêteront pour nous dire : « bien fait ». Le mérite nous rend capables d’enfer, parce qu’il n’est jamais assez, jamais comblé et jamais pérenne, quand le pardon nous fait abandonner une rigueur implacable au profit de la douceur de la règle, douceur invincible que revendiquait déjà l’Antiquité dans la bouche de Marc Aurèle.

Le mérite est devenu politique

En affirmant donc la liberté primitive et primordiale de l’homme, ainsi que la primauté de sa volonté, la modernité – qu’on considère inaugurée par la tradition franciscaine – n’aura pas nécessairement, en coupant petit à petit le cordon qui liait l’humain à la grâce divine, permis son émancipation. Si l’homme veut, c’est parce qu’il peut, et reconnaître sa puissance, c’est le rendre coupable de sa faiblesse quand il la rencontre. Or il ne manquera pas de la rencontrer. Le mérite rend l’agent responsable et donc coupable, par définition, bâtissant un droit qui attend la preuve des circonstances atténuantes pour dédouaner l’auteur de la faute, quand Augustin proposait un coupable non immédiatement responsable, attendant la possibilité gratuite du rachat dans l’obéissance à un ordre imposé pour lui permettre de vivre dans la paix, espérant la joie.

 

Ici, c’est le lien entre politique, justice et intériorité qui est en jeu et qui doit permettre de considérer les conséquences d’un pouvoir qui se revendiquerait juge des cœurs. Le discours d’Augustin n’était pas politique, et il ne s’agissait pas de ruiner le droit. Puis le mérite est devenu politique, d’abord en récompensant des actes, enfin en justifiant les êtres.

« Il faudrait d’abord pouvoir vouloir, pour ensuite pouvoir faire. »
 

Cette brève histoire du mérite doit donc nous conduire à faire la différence entre le jugement du citoyen dans un contexte politique constitutionnalisé, contraint par la nécessité d’instituer une justice légitime bien qu’incapable de prouver ce libre arbitre sur laquelle elle repose, et le jugement d’un homme face à un autre, qui sait tout cela et qui, par-là, ne se donne que le droit du pardon. Rendre à César ce qui est à César, en somme. La justice doit postuler la liberté pour distribuer l’éloge et le blâme et s’énoncer comme le bras droit d’un État nécessaire à la vie mais non garant du bonheur. Cet État lui-même, Pascal le considère comme incapable de rendre raison de ses fondements, de se rendre parfaitement légitime sans recours aux fictions efficaces. Il ne peut donc bâtir sans peine cette justice qui n’est juste que parce qu’elle doit être et non par ce qu’elle est.

Se méfier du mérite c’est, in fine, se méfier de cette propension du contemporain à rendre sienne une maxime que le réel dément farouchement jour après jour : quand on veut, on peut. Il faudrait d’abord pouvoir vouloir, pour ensuite pouvoir faire. Mais de ce jeu-là l’homme n’a jamais été maître et, si dans son silence la loi peut nous dire que nous avons bien fait, gardons-nous peut-être de dire « bien fait », quoi que l’homme ait fait, quand nous le regardons en semblable.

Rédigé par hl_66

Publié dans #Réflexion